Après une période de relative accalmie pendant l’été, une volatilité accentuée à Wall Street fait surface, et les marchés américains renouent avec l’incertitude dès la rentrée. Le VIX, indice phare de la volatilité, repart à la hausse, tandis que les investisseurs inquiétés par l’indépendance de la Fed ou les incertitudes autour des mesures adoptent une posture plus prudente.
Mardi 2 septembre, l’impact a été brutal. S&P 500 recule de 0,7 %, le Nasdaq de 0,8 % avec de fortes baisses chez les valeurs technologiques comme Nvidia, Amazon ou Apple, jugées vulnérables à la montée des taux. Le signal est clair : la hausse des rendements obligatoires rend les actions plus coûteuses à financer, et donc moins attractives.
La dette publique européenne sous pression
La montée des rendements obligatoires n’est pas un phénomène isolé. Elle reflète directement les inquiétudes envers les finances publiques de plusieurs pays européens.
En France, les taux à long terme (OAT à 10 ans) atteignent des niveaux quasi inédits, autour de 3,7 %, motivés par la persuasion budgétaire et les risques politiques liés aux plans de réduction du déficit.
Au Royaume-Uni, les rendements des gilts à 30 ans frôlent 5,72 %, un plus haut depuis 1998, avant de se stabiliser autour de 5,6 %. Cette flambée s’inscrit dans un climat d’incertitude fiscale juste avant un budget d’automne attendu le 26 novembre.
A l’échelle mondiale, on observe une synchronisation des hausses de taux sur les obligations souveraines à long terme dans plusieurs économies avancées. États-Unis, Royaume-Unis, Japon, France, traduisent une moindre demande des banques centrales et une forte pression sur les finances publiques.
Effet en chaîne : de la dette à la volatilité
Ce phénomène de hausse synchronisée des rendements est le cœur du lien entre les marchés actions et la dette souveraine.
Aux États-Unis, le taux à 30 ans dépassant 5 % relance les craintes de financement coûteux. Il pousse également les investisseurs à se replier sur des valeurs refuges comme l’or (au-delà des 3 500 $) et fragilise davantage les marchés actions.
De leur côté, les investisseurs de « bond vigilantes », ceux qui vendent les obligations des gouvernements jugés trop laxistes, exercent une pression supplémentaire sur les taux. Ils craignent alors une spirale de la dette et une perte de confiance.
En Europe, la combinaison de la faiblesse de la demande, des déficits persistants et des dépenses accrues (notamment en infrastructures ou défense) fait craindre un cercle vicieux :
- hausse des taux,
- augmentation du coût du service de la dette,
- pression budgétaire accrue,
- nouveaux taux plus élevés.
Impact macroéconomiques et perspectives
- Un financement public plus coûteux. Les États européens devront budgéter davantage pour couvrir le coût de leur dette. Ainsi, ils devront réduire leur marge de manœuvre pour les politiques contracycliques. Ce phénomène ravive les tensions autour de l’austérité et du soutien budgétaire.
- Un risque de désancrage monétaire. Les banques centrales, comme la BCE ou la BoE, doivent naviguer entre la lutte contre l’inflation et l’évitement d’une crise de la dette. Toute l’intervention excessive pourrait miner leur crédibilité, un scénario redouté d’un « dominance budgétaire »
- Une contraction du crédit et frilosité des marchés. La hausse des rendements freine l’accès au crédit, tant pour les entreprises que pour les États. Cela pourrait notamment freiner la croissance et déclencher une spirale négative.
- Une adaptation des investisseurs. La dynamique du marché montre qu’on ne peut plus se reposer sur les Treasuries longs comme source de diversification. Les acteurs financiers réorientent leur stratégie vers des diversifiants comme l’or, les actifs privés ou les obligations à court terme.
La conjoncture financière actuelle, marquée par une volatilité ravivée à Wall Street et l’aggravation des tensions de la dette publique européenne, illustre combien les sphères monétaires, budgétaires et financières sont désormais intriquées. A l’heure où les observateurs redoutent l’émergence de crises de financement souverain, la vigilance est de mise : un tournant des obligations souveraines pourrait bien irriguer les marchés actions de panique, tout autant que s’embrase la dette.