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CORSICA SOLE et l’hydrogène, une solution de décarbonation idéale dans les environnements contraints

Par Benoît Morin | Publié le 19/10/2025

Les énergies renouvelables sont désormais considérées comme la meilleure voie pour réussir la nécessaire décarbonation du mix énergétique français, et ainsi atteindre les objectifs fixés par les accords de Paris. Mais de par leur caractère intermittent ─ contrairement aux besoins ─, leur utilisation massive pose néanmoins la question du stockage. Et donc celle du besoin d’une solution complémentaire. Dans ce cadre, l’hydrogène suscite de plus en plus d’intérêt. Ce vecteur énergétique s’impose en effet comme une brique essentielle du futur mix. Mais aussi comme un levier d’autonomie pour les territoires insulaires, comme la Corse ou les outremers. Rencontre avec Jean-Gabriel Steinmetz, Directeur Hydrogène de CORSICA SOLE.

Une nécessité globale mais exacerbée par les contextes insulaires

La décarbonation de notre économie ─ et de notre société dans son ensemble ─ est une nécessité. D’un point de vue écologique bien sûr, mais également économique et géopolitique. Les ressources fossiles, telles que le pétrole, le gaz ou le charbon ont en effet un impact extrêmement lourd sur l’environnement. De plus, ils impliquent une dépendance vis-à-vis de fournisseurs étrangers. Ces énergies fossiles, malgré tous leurs inconvénients sont pourtant celles utilisées majoritairement pour les territoires qui ne sont pas reliés aux réseaux continentaux, en Corse ou encore aux Antilles, en Guyane ou dans l’Océan Pacifique.

Les territoires insulaires se caractérisent en effet par une forte dépendance aux combustibles fossiles importés, une production d’électricité intermittente lorsque les sources renouvelables comme le solaire ou l’éolien sont disponibles, et des réseaux électriques plus fragiles ou moins interconnectés.

« Pour sortir des énergies fossiles sur ces territoires qui ne peuvent accueillir de centrales nucléaires et veulent gagner en autonomie énergétique, l’éolien et le solaire apparaissent comme des évidences. CORSICA SOLE a ainsi implanté nombre de sites de production photovoltaïque en Corse, installant des panneaux sur les toits des hangars ou sur des pâturages, pratiquant l’agrivoltaïsme » indique Jean-Gabriel Steinmetz, Directeur Hydrogène de CORSICA SOLE. 

Le caractère intermittent du solaire ne permet cependant pas toujours de produire suffisamment d’électricité pour répondre aux besoins des territoires de manière continue. Elle présente même parfois une forme de gâchis : en cas de production supérieure aux besoins, l’électricité produite est perdue, et les opérateurs comme EDF pratiquent régulièrement une réduction des capacités de production, ou « écrêtage » pour éviter la saturation des réseaux.

Augmenter les capacités existantes pour tendre vers l’autonomie

Pour répondre à cette double exigence, le stockage de l’énergie produite apparaît comme une première étape indispensable. CORSICA SOLE a donc conçu depuis plusieurs années des solutions de stockage par batterie. Ils deviennent alors une référence européenne en la matière. Ils construisent notamment un des plus importants sites de stockage d’électricité d’Europe en Belgique en 2022 et accompagnent aujourd’hui l’Estonie dans sa recherche d’une plus grande souveraineté énergétique. Toutefois, ces batteries lithium-ion ne répondent qu’aux problématiques de court terme, assurant par exemple la stabilité instantanée du réseau.

« De par sa position très intégrée au sein de l’écosystème énergétique, CORSICA SOLE a pu tirer certains enseignements. Nous constatons ainsi, d’un point de vue général, que les problématiques auxquelles sont confrontés les territoires insulaires sont celles que rencontreront les continents dans quelques années. Cela nous a conforté dans notre volonté d’explorer les possibilités de l’hydrogène vert pour proposer des solutions complémentaires sécurisant les approvisionnements dans la durée ; ce que nous mettons aujourd’hui en place avec notre projet ALCHYMISTE » ajoute Jean-Gabriel Steinmetz.

L’hydrogène vert : une solution complémentaire et durable

Conçu comme un projet de R&D, lauréat du concours d’innovation i-nov vague 11 opéré par BPI France ; ALCHYMISTE se propose d’accoler au parc photovoltaïque de 32 hectares de Folelli, à proximité de Bastia, 60 électrolyseurs modulaires Enapter pour aboutir au site pilote Folell’Hy. Ce projet innovant, qui porte autant sur la technologie elle-même que sur son intégration dans le système électrique local ; permettra d’expérimenter les possibilités réelles de l’hydrogène comme solution complémentaire de fourniture d’électricité, levant les verrous liés au pilotage flexible des électrolyseurs (et notamment leur adaptation fine à la disponibilité des énergies renouvelables, l’optimisation des démarrages et arrêts, ainsi que le suivi de consignes réseau).

« Nos sites de production d’électricité photovoltaïque sont régulièrement écrêtés, et l’idée s’impose en fait d’elle-même : pourquoi ne pas utiliser ce surplus pour alimenter une électrolyse et produire un hydrogène vert, d’autant que ni la Corse ni les autres territoires dans lesquels nous sommes présents, comme la Réunion, les Antilles ou la Guyane ne manquent d’eau, unique matière première de l’hydrogène ? » confie Jean-Gabriel Steinmetz.

Complémentaire au stockage par batterie, qui répond aux variations rapides, l’hydrogène permettra une plus grande autonomie énergétique de l’île. L’hydrogène produit en excédent de la production d’électricité sera de plus proposé aux centrales thermiques de l’île, pour parfaire leur transition vers les énergies renouvelables et locales ; et servira également à alimenter l’Alba, navire école du lycée maritime de Bastia fonctionnant à l’hydrogène. Des pompes mobiles pourront par ailleurs ravitailler les navires en escale sur toute la côte orientale corse, participant de fait à la décarbonation de la mobilité maritime. 

Une vision à long terme

Au-delà du site pilote de Folelli ─ opérationnel dès le début de l’année 2026 ─, l’objectif est clair. Démontrer qu’un modèle local de production, de stockage et de valorisation de l’hydrogène vert peut être techniquement fiable et économiquement viable.

Pour Jean-Gabriel Steinmetz, « si l’expérience corse s’avère concluante ce dont nous sommes convaincus , elle pourrait être répliquée dans d’autres territoires ultramarins. Mais aussi sur le continent, dans des zones isolées où le renforcement des réseaux électriques demeure coûteux et complexe. À terme, l’hydrogène pourrait devenir un vecteur sécurisant l’approvisionnement, répondant aux problématiques de long terme comme le stockage en grande quantité et la restitution de l’énergie des semaines ou des mois plus tard. Cette approche permet de sortir d’un modèle dépendant des combustibles fossiles importés, aussi pénalisant pour la biodiversité que pour la souveraineté énergétique ».

En pariant sur l’hydrogène, CORSICA SOLE offre à la Corse et aux territoires insulaires un rôle de pionniers dans la transition énergétique. Leur situation géographique, longtemps perçue comme un handicap, apparaît ainsi comme un atout pour expérimenter des solutions qui pourraient, demain s’imposer sur l’ensemble du territoire français et européen pour participer à la nécessaire décarbonation de nos territoires.