Colères, blocages de routes, convois de tracteurs aux portes des grandes villes : depuis plusieurs années déjà, les agriculteurs français expriment un malaise profond face à l’État. Derrière ces mobilisations spectaculaires se cache une réalité plus structurelle. Un sentiment d’abandon et d’incompréhension entre le monde agricole et les pouvoirs publics.
Un peuple aux côtés des agriculteurs
«C’était pour soutenir tous mes copains paysans et éleveurs. Il y a une vraie inquiétude par rapport à la DNC et surtout par rapport au Mercosur» déclare le chef étoilé Jacques Mercon. Car depuis le début de ce bras de fer, le peuple lui s’est rangé du côté des agriculteurs. De nombreuses vidéos montrant la police déplacer des voitures pour laisser passer les agriculteurs peuvent en témoigner.
Les agriculteurs dénoncent d’abord une pression administrative écrasante. Normes environnementales, contrôles multiples, paperasse liée aux aides européennes ou nationales : beaucoup estiment passer plus de temps derrière un bureau que dans leurs champs. Cette complexité, souvent perçue comme déconnectée du terrain, alimente une défiance croissante envers l’État.
À cela s’ajoute la question des revenus, centrale et explosive. Malgré un travail essentiel à la souveraineté alimentaire du pays, de nombreux exploitants peinent à vivre décemment de leur activité. Selon un rapport de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, un agriculteur se suicide tous les 2 jours en France. Les prix agricoles sont tirés vers le bas par la grande distribution. La concurrence internationale, tandis que les charges (énergie, engrais, matériel) ne cessent d’augmenter. Pour beaucoup, l’État n’agit pas suffisamment pour garantir des prix rémunérateurs.
Une réponse étatique peu à la hauteur
Les politiques publiques sont également critiquées pour leurs injonctions contradictoires. On demande aux agriculteurs de produire plus, mieux, local et durable, tout en réduisant pesticides, émissions de carbone et consommation d’eau. Si ces objectifs répondent à des impératifs environnementaux légitimes, leur mise en œuvre est jugée brutale et insuffisamment accompagnée financièrement.
La question européenne complique encore la relation. La Politique agricole commune (PAC), que pilote en grande partie Bruxelles mais appliquée par l’État français, est responsable de favoriser les grandes exploitations au détriment des petites fermes. L’État se retrouve alors en position d’intermédiaire, souvent tenu pour responsable de décisions perçues comme lointaines et injustes.
Face à cette crise de confiance, le dialogue entre agriculteurs et pouvoirs publics apparaît fragilisé. Pour apaiser durablement les tensions, beaucoup appellent à un changement de méthode : plus d’écoute, plus de cohérence et une reconnaissance concrète du rôle stratégique des agriculteurs dans la société française. Le gouvernement « ne tolérera plus de nouveaux blocages » des agriculteurs pendant les fêtes de Noël, même si les forces de l’ordre agiront « avec discernement », prévient la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon sur RTL.


