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Cybersécurité

NIS2 : la cybersécurité devient votre responsabilité personnelle

Par Sarah Hellec | Publié le 13/11/2025

N’attendez pas une cyberattaque pour découvrir que votre DSI n’est plus seul en première ligne.

NIS2 : un changement de paradigme, pas une simple contrainte technique

La directive européenne NIS2 est souvent perçue comme une simple mise à jour réglementaire, une contrainte technique de plus pour le département informatique. C’est une erreur fondamentale. Cette directive, qui élargit considérablement son champ d’application de 15 000 à plus de 160 000 entités en Europe, est en réalité un changement de paradigme qui place la cybersécurité au cœur de la gouvernance d’entreprise. Le risque ne se limite plus à la paralysie de vos systèmes. La NIS2 introduit une responsabilité légale directe et personnelle des organes de direction, qui sont tenus d’approuver formellement les mesures de gestion des risques et de superviser leur mise en œuvre. En cas de manquement grave, l’autorité nationale compétente, l’ANSSI, a le pouvoir d’imposer des sanctions allant jusqu’à l’interdiction temporaire d’exercer des fonctions de direction.

Des sanctions financières et réputationnelles lourdes

Le volet financier est tout aussi dissuasif. Les amendes peuvent atteindre 10 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial pour les entités essentielles, et 7 millions d’euros ou 1,4 % pour les entités importantes. Ces montants sont conçus pour inciter les organisations à prendre au sérieux la cybersécurité, transformant une préoccupation technique en une décision d’investissement stratégique. Les coûts indirects d’une cyberattaque, incluant la perte de revenus, les litiges avec des partenaires et la rupture de contrats, peuvent d’ailleurs s’avérer bien plus importants que les sanctions initiales. Au-delà des amendes, une cyberattaque peut entraîner une perte de réputation durable, la rupture de contrats avec vos partenaires et fournisseurs, et la perte d’opportunités commerciales, fragilisant l’entreprise face à la concurrence.

Le rôle stratégique du DSI dans la mise en conformité

Votre Direction des Systèmes d’Information (DSI) est votre meilleur allié stratégique pour relever ce défi. Le DSI n’est plus un simple gestionnaire d’infrastructure, mais le chef d’orchestre chargé de traduire ces obligations juridiques en un plan d’action concret et mesurable. Il a la mission de cartographier vos actifs les plus critiques, d’évaluer les risques et de mesurer les écarts par rapport aux exigences de la directive. Le coût de la mise en conformité est connu et gérable, avec des estimations initiales allant de 100 000 à 880 000 euros selon la taille de l’entreprise. En revanche, le coût de l’inaction est imprévisible et potentiellement catastrophique.

Une feuille de route en trois étapes

1. Évaluation et cartographie

Pour vous préparer, la DSI doit mettre en œuvre une feuille de route en trois étapes. Premièrement, l’évaluation et la cartographie. Il est urgent de déterminer si votre organisation est concernée (Entité Essentielle ou Importante) et de réaliser un audit pour identifier les vulnérabilités existantes. Cette démarche proactive implique d’abord une cartographie précise de vos actifs numériques les plus critiques, pour évaluer leur valeur et les risques potentiels en cas de compromission. Il s’agit d’identifier les vulnérabilités, d’analyser la probabilité d’un incident et de calculer son impact, pour créer une matrice de risques qui guidera vos priorités. L’ANSSI met d’ailleurs à disposition des outils pour aider à ce diagnostic.

2. Mise en place de mesures techniques et organisationnelles

Deuxièmement, la mise en place de mesures techniques et organisationnelles. NIS2 exige des actions concrètes : la gestion des incidents (alerte sous 24h, rapport détaillé sous 72h), la sécurisation de votre chaîne d’approvisionnement en évaluant les risques chez vos sous-traitants, et le renforcement du contrôle d’accès via l’authentification multifacteur (MFA) et la cryptographie. Le processus de notification est strict : une alerte préliminaire doit être envoyée à l’ANSSI dans les 24 heures suivant la détection d’un incident significatif, suivie d’un rapport détaillé dans les 72 heures, puis d’un rapport final sous un mois.

Vous devrez également intégrer des clauses de cybersécurité dans vos contrats et auditer régulièrement vos partenaires pour maîtriser les risques liés aux tiers. La gestion des accès doit être rigoureuse, en utilisant des gestionnaires de mots de passe professionnels et en segmentant les droits des utilisateurs pour limiter l’exposition. Au-delà du MFA, il s’agit d’adopter des pratiques d’hygiène numérique comme l’utilisation de mots de passe longs et complexes et la mise à jour régulière des logiciels.

3. Intégration de la gouvernance et de la culture

Troisièmement, l’intégration de la gouvernance et de la culture. Le DSI ne peut pas tout faire seul. Vous devez valider la stratégie de gestion des risques et assurer la formation régulière de l’ensemble du personnel, y compris les membres de la direction. La sensibilisation doit devenir une routine, avec des formations régulières pour les dirigeants et des simulations, comme des campagnes de phishing, pour les collaborateurs. Il est essentiel de créer une culture de « cyber vigilance » en faisant comprendre à chacun l’impact des erreurs humaines, qui sont à l’origine de près de la moitié des violations.

Anticiper la transposition de la directive : une opportunité à saisir

La transposition de la directive en droit français est imminente, avec une entrée en vigueur prévue dès le 17 octobre 2024. L’ANSSI accorde certes un délai de trois ans pour la pleine application des mesures, mais cela ne doit pas être interprété comme une invitation à l’attentisme. Comme l’a rappelé le directeur général de l’ANSSI, Vincent Strubel, les menaces sont déjà là et l’inaction n’est pas une option. Anticipez dès maintenant pour transformer une contrainte en opportunité de renforcer la résilience de votre entreprise et de garantir sa compétitivité.

Photo : Philippe SEBAG