Le risque cyber est devenu pour les entreprises une menace majeur. Pour s’en prémunir, certains misent sur la formation de leurs équipes, mettent en place des solutions favorisant la résilience de leurs installations, ou encore déploient des solutions toujours plus sophistiquées ; avec des fortunes diverses. Mais pour Directeur des opérations et cofondateur de Ousia Massimo Bazzichi, le plus intéressant est sans doute de changer d’approche.
Quels sont, à vos yeux, les défauts des solutions de cybersécurité employées aujourd’hui ?
M.B. : « Reconnaissons un paradoxe troublant : les données sont devenues l’essence même de notre souveraineté — économique, politique, personnelle — mais nous les protégeons avec des outils conçus pour d’autres époques et d’autres contextes géopolitiques. Le risque cyber concerne aujourd’hui toutes les organisations. Efficaces à un instant T, nos défenses révèlent leur nature problématique face aux menaces émergentes. L’IA générative accélère déjà les attaques, l’informatique quantique menace nos algorithmes et, ensemble, ces ruptures technologiques exposent la fragilité structurelle d’une approche où la sécurité dépend de standards définis ailleurs, jamais intrinsèque à la communication elle-même.
Cette fragilité découle de l’architecture même de la cryptologie moderne. Nos systèmes actuels — même les innovations civiles les plus brillantes — restent prisonniers d’une logique militaire : sécuriser le “fil” de transmission entre des “bases” supposées sûres. Le chiffrement de bout en bout, vanté par toutes les messageries modernes, illustre ce paradigme : on protège toujours un tunnel, mais si l’une des extrémités est compromise, un téléphone piraté, un ordinateur infecté, tout s’effondre. Les points d’entrée et de sortie restent les vrais talons d’Achille. Nous utilisons des outils conçus pour des opérateurs militaires anonymes, pas pour des professionnels qui se connaissent et collaborent dans la durée.
De là vient cette vision de l’humain comme maillon faible, héritée d’un contexte où l’opérateur pouvait compromettre le codebook. Malgré les menaces sécuritaires réelles sur l’Europe, la vie numérique permanente de 450 millions de citoyens requiert une approche différente. Au lieu d’imposer une sécurité éphémère sur des vies permanentes, Ousia transforme la richesse des relations humaines en source de protection. Faire de votre identité et de vos liens durables la clé de votre sécurité, non un risque à gérer : voilà notre changement de paradigme. »
Qu’est-ce que Ousia ?
M.B. : « Ousia est une nouvelle approche de la cryptologie, conçue pour transformer la sécurité des échanges en partant d’une base totalement différente. Plutôt que de s’appuyer sur des modèles mathématiques complexes dans lesquels l’humain n’a pas sa place — et qui montrent leurs limites face à l’ingéniosité croissante des cybercriminels —, nous faisons au contraire de l’humain la clé de voûte de la sécurité.
En créant Ousia en 2017, nous nous sommes basés sur plus de 30 ans de recherche fondamentale établie en cognition, langage et sémiologie. Notre approche synalogique intègre ces dimensions cognitives et sémantiques ; que ce soit pour des chercheurs et leurs laboratoires, des entrepreneurs et leurs partenaires, ou des citoyens et leurs administrations.
Chaque échange entre deux personnes est en effet unique, car il intègre les tournures de phrases de chacun, elles-mêmes dépendantes des contextes, professionnels bien sûr, mais aussi culturels, familiaux… Humains en somme. Imaginez : vos habitudes langagières avec vos proches — votre façon de plaisanter, de nuancer, de faire référence à votre histoire commune — deviennent littéralement votre clé de sécurité. Notre solution se base sur la teneur des échanges, dans le fond et la forme en modélisant le langage. Cette approche crée une complexité d’un ordre nouveau pour un attaquant externe, qui ne doit plus casser un code mais reconstituer une relation humaine.
De plus, la clé elle-même évolue autant que les échanges. Cela maintient une protection dynamique tout en faisant des individus les acteurs centraux de la sécurité : l’humain revient au centre. Cette architecture cognitive nous positionne pour l’ère post-quantique qui arrive plus vite que prévu. »
Comment votre solution s’implante-t-elle dans les systèmes ?
M.B. : « Nous sommes engagés dans les processus de certification réglementaire tout en dialoguant avec des cryptologues internationaux pour une validation académique approfondie. Cette double démarche — conformité administrative et excellence technique — nous permet de construire une solution à la fois déployable commercialement et irréprochable scientifiquement.
Nous visons des organisations innovantes qui comprennent l’avantage d’une sécurité cognitive. Par exemple, les fintech protégeant des transactions sensibles, biotechs sécurisant leur propriété intellectuelle, ou institutions publiques gérant des données citoyennes. Ces secteurs reconnaissent la valeur d’une approche qui transforme des interactions quotidiennes en avantage sécuritaire.
La solution fonctionnera au niveau applicatif : mails, CRM, communications stratégiques ; pour être interopérable et s’intégrer dans les infrastructures existantes sans refonte. Si notre approche pourra s’adapter aux architectures centralisées, c’est dans les environnements décentralisés qu’elle révélera tout son potentiel. Créant ainsi un réseau de confiance sans point de défaillance unique.
Un aspect différenciant est notre architecture décentralisée. Dans une institution, les interactions entre utilisateurs créent naturellement des centres de confiance qui émergent de l’usage quotidien. Chaque échange renforce la sécurité collective, soit l’inverse des systèmes traditionnels où plus d’interactions signifie plus de vulnérabilités. Ici, la confiance se construit organiquement : plus les membres d’une équipe communiquent, plus leur réseau synalogique devient robuste et personnalisé. Les interactions renforcent la protection au lieu de la fragiliser. Pour une souveraineté optimale, nous recommandons des infrastructures hébergées en Europe. Mais c’est cette dynamique où l’usage intensifie la sécurité qui garantit que vos données restent véritablement vôtres. »
En quoi Ousia peut-il répondre aux défis de demain ?
M.B. : « Les entreprises font face à une double révolution. L’IA générative est déjà omniprésente — avec 6GB de RAM, un smartphone fait tourner une IA fonctionnelle. Cette réalité pose des questions critiques de souveraineté : comment sécuriser les conversations avec votre assistant IA ? Les solutions actuelles, conçues pour des données fixes, ne peuvent protéger ces interactions intelligentes évolutives.
L’informatique quantique aggrave l’urgence, et les approches mathématiques traditionnelles deviennent obsolètes face à cette puissance de calcul. Google Quantum AI annonce que RSA-2048 pourrait être cassé en “moins d’une semaine”…
Notre chiffrement synalogique répond naturellement à ces deux défis. Pour l’IA, nous partageons les mêmes origines : adaptation contextuelle, apprentissage continu, compréhension sémantique. Nos mémoires synalogiques évoluent avec les IA qu’elles protègent. Face au quantique, notre approche reste inattaquable : on ne peut pas “calculer” une relation humaine comme on factorise un nombre.
Ce que propose Ousia est presque philosophique : partir de l’humain pour créer une sécurité qui préserve sa souveraineté numérique. Mais c’est surtout une nécessité pratique immédiate. Le changement de paradigme s’impose par l’urgence technologique, non par idéologie. »


Plus d’infos sur Ousia :
Site : www.ousia-sa.ch
Mail : info@ousia-sa.ch
Tél : +41 22 534 04 86