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Hydrogène

France Hydrogène : l’hydrogène, une solution pertinente mais une demande à stimuler

Par Benoît Morin | Publié le 28/10/2025

L’association France Hydrogène a pour vocation d’accélérer le développement de la filière hydrogène. Ceci, de la production aux usages, au service de la transition écologique et de la souveraineté énergétique et industrielle. Rencontre avec son président, Philippe Boucly.

Tout d’abord, quel panorama pouvez-vous dresser de la filière hydrogène en France ?

Philippe Boucly, Président de France Hydrogène

P.B : « Disons que depuis le début de l’année, plusieurs évènements positifs ont illustré la vitalité de cette filière.

Je citerais ainsi EODev qui a ouvert un nouveau site de production à Antony, renforçant ainsi sa capacité industrielle en Île-de-France.
Le projet H2Med aussi, un corridor énergétique stratégique pour le transport de l’hydrogène renouvelable entre le Portugal, l’Espagne, la France et l’Allemagne et qui devrait être opérationnel d’ici 2030 avec la création de la société BarMar associant les sociétés Natran, Terega et Enagas.
En avril dernier, ont également été désignés les lauréats de FEED CARB AERO. Il s’agit de l’appel à projets visant à financer les études de faisabilité pour la production de carburants de synthèse décarbonés pour les secteurs aérien et maritime.
Plus récemment la société Verso a signé un contrat de fourniture d’hydrogène renouvelable avec un sidérurgiste allemand de la Sarre.

Enfin, il faut rappeler que la stratégie hydrogène révisée a été publiée au printemps, ce qui donne une nouvelle impulsion à la filière ». 

Ces derniers mois, certaines entreprises françaises de l’hydrogène – comme McPhy ou Hyvia – ont connu des difficultés majeures, jusqu’à la liquidation. Pouvez-vous nous en parler ?

P.B : « Oui, il y a eu des dégâts. Certains acteurs ont récemment revu leurs stratégies, tels que Hype qui met fin à ses taxis hydrogène à Paris. Ou Stellantis, qui a récemment décidé de se retirer du segment des véhicules utilitaires légers à hydrogène. De son côté, John Cockerill a repris l’entreprise McPhy. Le producteur d’électrolyseurs Elogen a suspendu la construction de son usine dans le Loir-et-Cher. Si des acteurs ont connu des difficultés, la filière hydrogène reste pour autant une filière très active, avec des avancées notables, comme je viens d’en donner des manifestations ». 

Quels en sont les atouts ?

P.B : « La filière hydrogène française est riche de compétences en R&D : recherches par le CNRS et le CEA sur les polymères, la catalyse, la façon dont se dégradent les matériels, les recherches sur l’acier et sa fragilisation… L’IFPEN, de son côté, travaille sur des procédés de production des carburants de synthèse. La filière est également riche d’acteurs présents sur l’ensemble de la chaine de valeur, des start-ups aux grands groupes. Ces derniers sont à la manœuvre, conscients des atouts de cette énergie : Engie, EDF, Air Liquide… Nous avons, en France, la chance de bénéficier d’un mix électrique décarboné composé de nucléaire et de renouvelable.

Quant à nous, France Hydrogène, nous avons, fin 2024, dressé un tableau de bord : à ce jour, il y a 35 mégawatts d’électrolyseurs en exploitation et 340 en construction dont 200 du projet d’Air Liquide dans la zone industrielle de Port-Jérôme. Nous mettons aussi en lumière les projets de décarbonation du raffinage et ceux financés par l’ADEME. Nous sommes très loin des objectifs de la stratégie nationale révisée : 4 500 mégawatts à l’horizon 2030. Mais s’il y a des faillites, il y a aussi des entreprises qui marchent bien comme Hysetco avec une flotte de 800 véhicules hydrogène en circulation en Ile-de-France. En France, plus de 50 bus, 17 autocars et 7 bennes à ordures roulent à l’hydrogène. Début septembre dernier, HYmpulsion, concepteur d’infrastructures hydrogène en région Auvergne-Rhône-Alpes, a inauguré sa 10e station au cœur de la zone d’activité multimodale Inspira, à Salaise-sur-Sanne ». 

Il y a peu de temps, McKinsey a publié un rapport intéressant sur l’hydrogène. Quelles sont les principales données qu’il faut en retenir ?

P.B : « 110 milliards de dollars d’investissements sont engagés dans plus de 500 projets à travers le monde. C’est 35 milliards de plus que l’année dernière. Concernant la production, 3,6 millions de tonnes d’hydrogène sont assurés pour 2030. Si tous les projets se concrétisent (y compris ceux en phase précoce), et notamment si les politiques incitatives et de soutien se mettent en place, cette capacité pourrait monter à 9-14 millions de tonnes par an d’ici 2030. 

Quels sont selon vous les freins et limites à la production d’hydrogène en Europe et en France ? 

P.B : « Le coût reste un frein : l’hydrogène renouvelable ou bas carbone est encore significativement plus cher que les formes traditionnelles ou “gris”. En conséquence, la demande est encore insuffisante. En outre, l’incertitude réglementaire reste aussi une limite. Le cadre législatif, réglementaire et régulatoire est, en Europe, trop compliqué et trop lent à se mettre en place ». 

Et que pensez-vous de la stratégie révisée publiée par l’Etat ?

P.B : « Elle nous va bien. Plusieurs angles positifs y figurent : la reconnaissance du rôle possible des électrolyseurs en tant que consommateurs flexibles, l’importation éventuelle d’hydrogène et de ses dérivés, la prospection de l’hydrogène naturel ainsi que le soutien à l’exportation de solutions et d’équipements français. Le rôle important des carburants de synthèse est également pointé, tout comme la nécessité de développer la mobilité routière en complément de la batterie. 4 milliards d’Euros accordés pour soutenir la production de 1 000 mégawatts d’électrolyse est également une bonne chose. Il reste encore des points à améliorer : la création d’une infrastructure nationale de transport et de stockage d’hydrogène et les applications stationnaires, notamment pour les zones non reliées au réseau électrique ». 

Comment voyez-vous la suite ?

P.B : « La filière a besoin que le soutien financier de l’Etat soit poursuivi et que le cadre législatif et régulatoire soit complété rapidement afin de donner toute la visibilité nécessaire aux acteurs et stimuler ainsi la demande d’hydrogène renouvelable et bas carbone». 

Pour plus d’informations

www.france-hydrogene.org