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Finances

La dette serait-elle le cheval de Troie de l’État ?

Par Thomas Lemoner | Publié le 05/09/2025

On la décrit souvent comme une bombe à retardement, une menace pour la souveraineté, voire un piège mortel pour les finances publiques. La dette publique française, qui dépasse aujourd’hui les 3 300 milliards d’euros, alimente régulièrement les discours alarmistes. Pourtant, à y regarder de plus près, la dette apparaît moins comme un cheval de Troie infiltrant l’État que comme un prétexte politique, brandi pour justifier certaines orientations.

Une dette plus maitrisée qu’on ne le dit

Contrairement aux ménages, l’État n’est pas menacé de faillite au sens classique : il emprunte dans sa propre monnaie, sur des marchés largement demandeurs de titres publics sûrs. La dette française est adossée à la confiance publique, et non à la solvabilité immédiate d’un foyer. En réalité, la France refinance en permanence sa dette, comme le font la quasi-totalité des pays développés. La question n’est donc pas tant son montant que sa capacité de roulement et le niveau des taux d’intérêts.

Le vrai cheval de Troie : le discours

Si la dette fait tant parler, c’est surtout parce qu’elle constitue un argument commode pour légitimer des choix budgétaires impopulaires. Réduction des dépenses sociales, gel des salaires publics, recul de l’État providence. En réalité, ces décisions sont souvent présentées comme des nécessités imposées par « l’urgence de la dette ». Or, dans bien des cas, il s’agit d’une construction narrative plus que d’une réalité financière insoutenable.

Une dette utile

Il faut rappeler que l’endettement a aussi permis à l’État de jouer son rôle protecteur lors de la pandémie ou face à la crise énergétique. Sans lui, chômage massif, faillite en chaîne et récession auraient été bien plus violents. La dette, loin d’affaiblir l’État, a démontré sa fonction de bouclier. Mieux : si elle finance la transition écologique, l’éducation et l’innovation, elle devient un investissement collectif à long terme. En d’autres termes, les bénéfices dépasseront largement son coût.

Repenser le débat

Le vrai danger n’est pas la dette en soi, mais la manière dont on l’instrumentalise. À force de la présenter comme une fatalité, on enferme le débat public dans une logique de restriction permanente, alors même que l’État dispose de leviers pour orienter son endettement vers l’avenir. Plutôt que d’y voir un cheval de Troie, on pourrait considérer la dette comme un outil neutre. La valeur dépend exclusivement de l’usage politique qui en est fait.

La dette nationale n’est pas cette force occulte qui ronge l’État de l’intérieur. Elle est une donnée structurelle de nos économies modernes, que l’on agite parfois comme un épouvantail pour imposer certaines politiques. Loin du mythe du cheval de Troie, elle apparaît surtout comme un prétexte : l’enjeu réel n’est pas de l’éradiquer, mais de décider collectivement à quoi elle doit servir.