Derrière la contrainte ou du moins le changement de pratique que la facturation électronique va nécessiter, elle est aussi porteuse de gains pour toutes les parties engagées. Lisibilité, visibilité, efficacité, on a tous à gagner de cette réforme. Une conviction partagée par Sébastien Rabineau, directeur du projet facturation électronique à la direction générale des Finances publiques (DGFiP).
Rappelez-nous les grands enjeux de la réforme de la facturation électronique ?
S. R. : « Il y a d’abord un enjeu qui concerne le coût et le temps passé à établir la comptabilité. C’est un peu la fi n de la « boîte à chaussures », aujourd’hui l’archive numérique, adressée à l’expert comptable. Mais surtout, cette réforme va permettre au comptable d’enrichir ses missions. Notamment sur le volet pilotage de la performance des entreprises : proposer des prestations de services complètes et se focaliser sur l’élaboration d’indicateurs mensuels, sur les achats, les ventes et les encaissements, le suivi de l’activité des entreprises et leur rentabilité.
Autre enjeu : disposer d’informations plus fiables. Pour toutes ces raisons, la réforme ne doit pas être perçue seulement comme une obligation règlementaire. Elle recouvre un enjeu fort de modernisation entrepreneuriale. C’est l’occasion pour les entreprises de repenser leurs processus, de gagner en performance ou de se concentrer sur la création de valeur. C’est cette recherche de valeur qui fonde la dynamique des offres des éditeurs et autres acteurs IT afin d’apporter aux usagers une solution adaptée à leurs besoins.
Très clairement, ce qu’on réforme, ce ne sont pas les règles de facturation, qui restent elles inchangées. Mais ce sont les modalités avec lesquelles les entreprises s’échangent les factures entre elles ».
L’effort sera-t-il le même quelles que soient les entreprises ?
S. R. : « Non, en effet. Les entreprises déjà très proches de la facturation électronique telle qu’elle va être pratiquée ne vont pas avoir trop d’efforts à fournir. Elles en tireront les bénéfices en réception ou pour le suivi des paiements. À l’inverse, les entreprises ayant aujourd’hui un processus artisanal voire manuel de facturation vont avoir des efforts à fournir. Mais ce sont bien elles qui vont tirer un maximum de bénéfices de la réforme en sécurisant leurs processus, en bénéficiant de l’intégration comptable et du suivi automatique, etc. »
Dès lors, en termes de timing, cela va différer selon la nature ou la taille de l’entreprise ?
S. R. : « Plus on a un SI complexe, plus il faut s’y prendre tôt. Une PME qui dispose déjà de son logiciel de facturation a tout intérêt à continuer à s’appuyer sur celui-ci. Il faudra simplement s’assurer que ce logiciel fasse bien la bascule dans le cadre de la réforme. Les offres se développent avec une grande diversité de modèles technologiques et économiques. Il faut choisir son outil en fonction de ses usages. Dès cet été, les factures vont commencer à s’échanger entre la centaine de plateformes existantes et les milliers de solutions de facturation qui leur sont rattachées. L’administration a déjà lancé l’annuaire des entreprises et organisé l’interopérabilité entre les plateformes. Tout est organisé depuis l’embarquement, la sécurisation des plateformes, la portabilité en cas de changement de fournisseur…
Au 1er septembre 2026, toutes les entreprises auront l’obligation de recevoir des factures électroniques et les plus importantes devront commencer à en émettre ; au 1er septembre 2027, l’obligation d’émission entrera en vigueur pour toutes les entreprises.
Quels bénéfices sont attendus par l’État ?
S. R. : « Nous allons pouvoir capter une trentaine de données sur chaque facture, comme les mentions obligatoires, le Siren du destinataire désormais obligatoire sur une facture – un plus pour éviter les fausses factures –, les libellés des lignes, les montants et la TVA, les adresses de livraison, etc. Ces données permettront à l’administration de mieux répondre à ses objectifs de service public :
- simplifier la relation avec les entreprises en réduisant le nombre d’interactions et les démarches administratives ;
- rembourser plus vite le crédit de TVA ;
- optimiser nos modèles analytiques afin de mieux orienter nos contrôles vers les entreprises qui fraudent effectivement ;
- mieux comprendre les modèles économiques pour accompagner les entreprises et l’économie, etc.
Par exemple, au moment de la crise énergétique, un tel système nous aurait permis d’identifier en temps réel les secteurs et les entreprises mises en difficulté pour mieux cibler l’aide d’État, aller plus vite et plus loin. La facturation électronique devient un outil de pilotage des politiques publiques, s’appuyant sur de la donnée brute et contemporaine. ».
Le mot de la fin concernant la facturation électronique ?
S. R. : « La réforme de la facturation électronique n’est pas une démarche uniquement française. En 2030, tous les pays de l’UE devront être équipés. Pour être prêts et répondre à cet enjeu mondial, nous avons créé des espaces de co-construction avec l’Afnor. Ceci pour harmoniser les règles et les formats de factures. Depuis janvier, près de 200 acteurs y ont été réunis deux à trois fois par semaine pour trouver une réponse à toutes les questions pratiques des entreprises. Cette démarche est l’occasion d’un vrai dialogue comportant des simplifications. En effet, c’est important, avec cette réforme, de donner les clés aux acteurs privés pour qu’ils puissent s’emparer du projet et participent à la réussite de son déploiement ».

